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Le futur de la pub TV : entre walled gardens et opportunités de ciblage

Rédigé par Alexandre Langlois | 05/11/24 10:51

Dans un marché publicitaire en pleine mutation, où TV et digital convergent de plus en plus, Emmanuel Crego, directeur de l'agence média Values, nous livre une analyse de l'écosystème "Total Vidéo".

A travers cet entretien, découvrez les dynamiques d’un marché en quête d'unification des datas et des modes d'achat, mais également les défis et les initiatives en matière de partenariat entre agences, éditeurs, et acteurs AdTech. Une lecture pour mieux comprendre comment construire des stratégies Total Vidéo efficaces dans un contexte de fragmentation croissante.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ? 

J’ai la chance de diriger Values, qui est une des agences média indépendante historique du marché français. Nous sommes 60 collaborateurs et travaillons pour une cinquantaine d’annonceurs, sur tous les leviers payants. Une de nos particularités est de nous intéresser particulièrement à la « digitalisation de l'offline ». La TV en fait évidemment partie, avec ses problématiques de datas, d’adtech, de convergence de modes d’achats...

Quel est votre définition du Total Vidéo ?

Je dirais simplement que le Total Video est une stratégie qui consiste à adresser une audience, quels que soient les modes de consommation du média (linéaire/non linéaire), les devices (TV mais aussi PC/Mobile) et le mode de distribution (via Internet, TNT…). 

Comment s’intègre la CTV (Connected TV) dans cette définition ?

La CTV s’intègre pleinement dans ce concept et l’évolution de la consommation du média : sur un device TV, de manière linéaire (FAST) ou non linéaire (AVOD), et sur un mode de distribution via Internet puisque la TV est connectée directement, sans passer par le portail de la box opérateur. Ce dernier élément est majeur car nous sommes en France un marché particulier : la forte majorité du contenu est (encore) consommée via les portails des box opérateurs, proposant donc une offre de contenus soumis à la proposition des telcos. 

A contrario, les offres de CTV sont soumises à la proposition des constructeurs de TV. 

Finalement, la TV est une somme de walled Gardens, comme en digital, ce qui posent des défis d’unification de la data mais des opportunités d’adressabilité fortes pour les annonceurs.

Comment est votre rôle dans cet écosystème ?

Un travail de décryptage et de simplification dans un premier temps car nous n’en sommes qu’aux premiers pas. A commencer par le nerf de la guerre : créer un data « liquide » car les capacités de ciblage sont, soit limitées (beaucoup d’éditeurs disposent de peu de données personnelles de leur audience, ce qui permettrait de travailler des critères de ciblage plus fins qu’uniquement le contexte), soit disponibles, mais souvent le reach n’est pas très développé…. Bref, la solution miracle proposant du reach, de la granularité et de la data opérables partout n’existent pas en TV, c’est là que le rôle d’une agence est intéressant… Il y a donc un enjeu pour les acheteurs d’être proactif et de proposer aux éditeurs de bâtir des partenariats de données pour faire tomber (certaines) barrières et permettre plus de possibilités pour les annonceurs. 

Enfin, l’avantage de tous ces nouveaux leviers adressables, très complémentaires de la TV linéaire, est d’aller plus loin en ciblage que le sociodémo (ce que ne sait pas beaucoup faire la TV linéaire, TV segmentée mise à part), tirons en partie !

La route est longue mais nous mettons actuellement en place certains accords de partenariats datas structurants...Cela reste de l’innovation, donc un travail long terme de recherche et discussions avec les éditeurs, constructeurs de TV, telcos et Adtech mais nous avons choisi d’investir ces sujets depuis 2 ans car nous pensons que l’opportunité est massive pour nos clients. 

Quels sont les enjeux du Total Video pour les annonceurs ?

Un enjeu de mesure d’audience tout d’abord afin de mieux comprendre les évolutions des « bascules » d’audience : les nouvelles offres de contenus foisonnent mais où et dans quelle proportion ma cible les consomme ? Puis-je aller plus loin dans mes critères, au-delà du sociodémo, pour affiner mon ciblage ? Enfin, quels arbitrages faire entre les leviers que j’utilise pour le moment et ces potentiels nouveaux ? 

Cela induit des enjeux de datas : la TV est devenue une somme d’écosystèmes fermés, comme vu précédemment. 

Comment avoir une vue exhaustive et dédupliquée ? Comment construire un écosystème de partenariat data (qu’il faut créer de manière ad’hoc…) ?

Il manque une monnaie commune, Médiamétrie, seul panel universel du marché, a un rôle à jouer mais il existe d’autres sources de données d’audience potentielles qu’il faut investiguer. Il y a cependant des aspects commerciaux et juridiques historiques qui complexifient les discussions. C’est donc un sujet collectif qu’il faut mener, les agences et annonceurs ont un rôle à jouer. 

Ensuite, la problématique de la création : faut-il l’adapter, le penser différemment ? Est-ce que cela a un sens de délivrer exactement le même message sur tous les devices et tout type de consommation du média ? 

Enfin, encore un sujet data : la mesure de l’efficacité. Nouveaux canaux de diffusion et capacités de ciblage : potentielles opportunités si on peut mesurer correctement leurs effets. On en revient au sujet de la maitrise de la data côté annonceurs, en partenariat avec tout l’écosystème Total Vidéo. 

Comment s’organise et évolue l’achat selon vous ?

Un achat qui va devenir (lentement) de plus en plus programmatique, porté par un besoin du marché à gérer de plus en plus de datas et d’atomisation des canaux. La partie vidéo sur les devices PC et Mobile l’étant déjà en grande majorité. Cependant la TV linéaire, même si une partie s’achète déjà via des DSP (TV segmentée), est davantage un achat automatisé que programmatique (il n’y a à date pas d’arbitrage selon une data en temps réel). Le « tout programmatique » va donc prendre du temps. 

Cependant, le sujet des outils d’achat est aussi un challenge. DSP ou outils de médiaplanning historiques ont chacun des avantages et inconvénients mais aucun des 2 ne sait gérer la totalité de modes d’achat… Comme en data, la solution exhaustive n’existe pas, c’est une autre opportunité de l’évolution de ce marché. 

À quels enjeux se confronte le Total Video ?

Comme évoqué précédemment, des enjeux de data (mesure et ciblage), d’adtech (évolution des outils d’achats), et de manière plus générale être en mesure d’évaluer les opportunités potentielles pour les annonceurs sur un marché en cours d’évolution.  

Les sujets sont vastes, le marché foisonne mais l’inertie est forte sur le marché publicitaire : les habitudes sont parfois des poids lourds à porter lorsqu’il faut innover… Le risque est que certains acteurs pensent protéger leur valeur en créant des écosystèmes fermés, or nous sommes dans une phase où au contraire les portes de la « cross-collaboration » doivent s’ouvrir pour tester et apprendre… Au risque de ne pas trouver les équilibres économiques pour certains. 

 

 

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