Nous poursuivons l’analyse des prises ou reprises de parole des marques après le confinement. Certaines d’entre elles ont choisi de ne pas marquer l’événement et communiquent comme elles le faisaient avant l’épisode du Covid-19. Certaines autres, et c’est à elle que nous nous intéressons ici, s’appuient sur l’événement pour communiquer.
Dans le corpus précédent, nous avions mis en valeur l’inscription des communications autour des trois axes de communication :
- Saluer le changement,
- Pointer la permanence,
- Transformer l’épreuve en événement fondateur.
Cette nouvelle sélection de films 📺 s’inscrit dans ces mêmes axes.
Du désir à sa réalisation
Mais quel est donc le désir que les français souhaitent concrétiser une fois le confinement passé ?
Toyota égraine les réponses filmées d’individus encore confinés à la question. Les réponses, toujours en contre-pied et livrées sur le ton de l’humour, expriment des désirs tout à fait réalistes : un enfant exprime son désir d’« aller chez mamie, parce que maman elle cuisine mal », l’un souhaite arrêter le sport, l’autre s’y remettre, une femme souhaite aller manger des huîtres à Cancale, un homme prendre un bain de minuit tout nu, etc. Toyota, dans une posture d’observateur, constate que la voiture ne s’inscrit pas comme « la première chose à laquelle on pense » et réoriente la réponse possible à la question en dévoilant son offre : « à moins de la payer l’année prochaine ». On notera dans le packshot de fin la mention Made In France et des codes Bleu/Blanc/Rouge.
De « sans vous » à « avec vous »
C’est une déclaration d’amour qu’offre la Fédération nationale des cinémas français pour annoncer que les cinémas sont ouverts. La fédération chante avec Gilbert Bécaud – Je reviens te chercher – la relation amoureuse qui existe entre les salles de cinéma et ses spectateurs. La communication construit l’opposition entre un monde sans le cinéma et un monde avec le cinéma. Le film s’ouvre sur des visages derrière leurs fenêtres, le soir tombant, tristes et plongés dans une lumière qui les rend gris. Ces visages vont s’éclaircir, se coloriser et s’illuminer d’un sourire en apercevant les enseignes de cinéma qui s’allument et brillent à nouveau, et les personnages s’animer et s’apprêter à sortir. Une 3ème séquence met en scène les fauteuils rouge à nouveau occupés, où s’installent tous les publics du cinéma, des plus jeunes aux plus âgés, seuls ou à plusieurs, pour sourire, rire, éclater de rire et s’émerveiller devant la projection.
Pour mettre en valeur la ré-ouverture de ses restaurants et l’accueil des clients dans le respect des règles d’hygiène et des gestes barrière, Burger King devient Burger Klean. La communication choisit de parler de manière humoristique de questions qui ne le sont pas. Fred Testot, reprenant un des personnages de «Service après-vente des émissions », grime un commandant de bord parlant un anglais très approximatif à la Louis de Funès et utilise tous les codes des procédures de sécurité à bord des avions pour décrire les consignes mises en place chez Burger King. Chez Burger King et à bord d’un avion, les consignes de sécurité, c’est du sérieux !
Notre œil de lynx, @Vincent Bisceglia, a topé une erreur de script. Saurez-vous la trouver ?
Parce qu’on a toujours besoin de câlins
Des colombes qui roucoulent, des amis qui se donnent l’accolade, des amoureux qui se prennent dans les bras, un père câliné par ses enfants, un couple qui marche bras dessus bras dessous, Saint Hubert donne à voir des câlins, des étreintes et de l’affection quand il est nécessaire de respecter les gestes Barrière et organise joliment la passerelle avec sa signature «Saint Hubert, partenaire du cœur des français ».
Continuer
Il n’y a rien de plus permanent que le mouvement, affirme ici la Société Générale, qui invite à continuer d’avancer. La prise de parole s’inscrit exactement dans la ligne de la campagne « C’est vous l’avenir » qui clamait Ce n’est pas le monde qui avance, c’est vous qui le faites avancer. Tout inscrit le film post-confinement dans la continuité. Continuité, d’abord, dans la reprise de l’ensemble des éléments du film précédent : sa musique bien sûr, Motion de Rone, les pas des marcheurs, les marcheurs eux-mêmes qui se succèdent par morphing, leurs visages. Continuité dans le mouvement ensuite énoncée le claim : « Se mobiliser, réinventer, continuer d’avancer » et dans la permanence du service de la marque énoncée dans la promesse « nous sommes à vos côtés ».
Soulignant l’absence de l’Euro 2020 et l’impossibilité de supporter les français, Carrefour décide de les soutenir quand même. Mais, ce n’est pas l’équipe de France que la marque choisit de supporter, mais tous les français, en créant les prix engagés, sur des produits du quotidien, fabriqués en France sans substances controversées. La marque croise les codes de l’équipe de France de Football et ses victoires et les codes Made In France : les visages maquillés de bleu/blanc/rouge, le drapeau, le coq, l’hexagone, I will survive de Gloria Gaynor , et la récurrence des couleurs bleu, blanc et rouge, qui constituent son logo. Carrefour se pose ainsi en « partenaire de tous les français », consommateurs et fabricants.
Sur une séance d’aérobic des années 80 et un tempo disco scandé par « 1,2,3 et 4 », GRDF pointe les efforts que nous avons faits pour rester en forme pendant le confinement. La marque invite à poursuivre nos efforts pour fabriquer du gaz vert : « maintenant, on se bouge pour le planète en fabriquant du gaz vert avec les agriculteurs». Toujours sur le même tempo, le film pointe toutes les étapes du recyclage des déchets organiques pour fabriquer une énergie locale et renouvelable « pour aider à garder la planète en forme » et souligne par un « Et on recommence. Et 1, 2, 3 et 4 », la poursuite et le continuum du cycle.
Les deux communications sélectionnées envisagent l’après à la lumière de ce qui vient de se produire. Elles s’appuient sur le contexte du confinement comme condition d’une prise de conscience qui oblige à une réorientation (Caisse d’épargne) et à la construction d’un monde meilleur (Unesco).
La Caisse d’épargne inscrit sa communication dans le renouveau et se positionne comme une marque engagée dans cette dynamique. La marque interroge : « Demain, est-ce que ce sera le monde d’après ou le monde d’avant ou un peu des deux ?, et y intègre la dimension du choix dans lequel elle souhaite se positionner. Il s’agit d’un renouveau : le soleil se lève sur une pluralité de paysages qui évoquent la nature ou la ville et autant de projets économiques, sociaux et politiques. Chaque nouveau paysage filmé au petit matin est soutenu par l’anaphore « demain, on a le choix » qui liste les priorités : le choix d’aider les entreprises à redémarrer, d’encourager l’économie locale, de financer l’avenir des jeunes, de développer la solidarité, etc. En signant « vous être utile », la Caisse d’Epargne manifeste la direction qu’elle prend.
La communication de l’Unesco cherche à faire prendre conscience en exploitant par contraste ce que le confinement a pu révéler. Elle interpelle des vérités et envoie des assertions soulignées comme étant normales ou anormales en bouleversant les repères. Ce qu’elle pointe comme normales sont en réalité des vérités/réalités intolérables, qui apparaissent en creux par la mise en avant de contre-vérités que la crise sanitaire a révélées. C’est le tableau de ces assertions rangées dans les catégories Normal ou Anormal qui s’inscrit devant le spectateur tout au long du film, sur contrepoint d’images qui les illustrent. Ainsi par exemple l’opposition entre la pollution de l’air qui cause 8,8 millions de morts par an, soulignée comme Normal, et la baisse de la pollution pendant le Covid-19 qui a permit de voir les pics de l’Himalaya, invisibles depuis 30 ans, soulignée comme anormal. Ou encore la destruction du patrimoine mondial par les épisodes guerriers, posée comme Normal et les cessez-le feu que le Covid a déclenchés, posés comme Anormal. Sur la base de la succession de ces oppositions, L’Unesco avance un projet : « C’est le moment de construire un meilleur normal », et rappelle l’ensemble de ses domaines d’action fondamentalement inscrit dans une dimension humaine et politique : « Tout commence par l’éducation, la science, la culture, l’information ».