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Pub vidéo : comment allier puissance TV et précision du digital ?

Rédigé par Alexandre Langlois | 06/02/25 15:19

Le paysage publicitaire évolue à grande vitesse, porté par la convergence entre TV linéaire, replay et streaming. Vincent Salini, Directeur commercial numérique chez France Télévisions Publicité, partage son regard sur ces transformations : définition du Total Vidéo, essor de la CTV et nouveaux modèles d’achat publicitaire. Un éclairage essentiel pour comprendre les enjeux du marché.

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Je suis Vincent Salini, Directeur commercial numérique chez France Télévisions Publicité, depuis exactement cinq ans. Dans le cadre de mes fonctions, je supervise deux grandes activités au sein de l'entreprise. Tout d'abord, je dirige une équipe commerciale chargée de la monétisation de l'ensemble des audiences numériques, incluant la TV segmentée et ciblant principalement le marché publicitaire, notamment les plus grandes agences médias. De plus, je supervise une équipe opérationnelle qui englobe des spécialistes des Ad Ops responsables de la mise en ligne et du suivi, quel que soit le mode transactionnel ou programmatique, pour l'ensemble de nos offres numériques, notamment la télévision segmentée. 

Au sein de cette équipe opérationnelle, nous comptons également des chefs de projets Ad Tech dédiés à l'intégration technique et aux aspects liés aux données. En résumé, mes responsabilités englobent la direction de ces deux équipes, contribuant ainsi au succès de FranceTV Publicité dans le domaine de la publicité numérique segmentée.

Quel est votre définition du Total Vidéo ?

Pour France Télévisions, le Total Vidéo est la convergence des usages vidéo, linéaires et non linéaires, sur l'ensemble des écrans. Cela signifie que le Total Vidéo comprend la consommation linéaire sur les chaînes de télévision traditionnelle, mais aussi sur les plateformes de streaming, les sites web et les réseaux sociaux.

En termes de monétisation, le Total Vidéo correspond à la convergence des offres publicitaires vidéo sur l'ensemble des écrans. Cela signifie que les annonceurs peuvent désormais cibler les mêmes audiences sur toutes les plateformes vidéo, quel que soit le mode de consommation.

Quelle est la définition de la Connected TV (CTV) ?

La CTV désigne un téléviseur connecté directement ou indirectement à Internet, permettant ainsi l'accès à du contenu vidéo en direct ou en différé. Ainsi, la télévision connectée englobe ce que l'on appelle le « Over The Top » (OTT), représenté par des applications telles que france.tv directement accessibles depuis les téléviseurs connectés Samsung et LG, et les Smart TV utilisant les systèmes d'exploitation Android TV ou Amazon Fire. 

De plus, elle englobe l'IPTV, une caractéristique spécifique à la France, incarnée par l'application france.tv accessible via les services de rattrapage des quatre opérateurs Orange, Bouygues, SFR et Free. 

Comment la CTV s'intègre-t-elle dans le Total Vidéo ?

La CTV est l'illustration parfaite du Total Vidéo, c'est-à-dire la convergence des usages vidéo linéaires et non linéaires. En effet, la CTV permet aux utilisateurs de regarder des contenus aussi bien en direct qu'en replay, ce qui favorise la consommation de contenus vidéo à la carte et à la demande.

En France, la CTV est en pleine croissance. En 2023, plus des deux tiers de l'audience non linéaire s’effectue sur l'écran télé, ce qui représente une progression de 20 points par rapport à 2019.

Par exemple, la série Sambre, diffusée sur France Télévisions en 2023, a rencontré un succès en linéaire avec 3 millions de téléspectateurs. Cependant, 20 % de son audience a été réalisée en non linéaire, sur la plateforme france.tv. Cette audience non linéaire est plus jeune que l'audience linéaire, avec une moyenne d'âge de 10 ans moins élevée.

Quel est votre rôle dans cet écosystème ?

En tant que premier groupe audiovisuel français, nous considérons que nous jouons un rôle déterminant dans l'écosystème médiatique et l'évolution des habitudes. Plusieurs points illustrent notre engagement. Nous avons été des pionniers dans le domaine de la distribution, notamment en développant ce que nous appelons l'hyper-distribution, rendant ainsi l'application france.tv accessible sur divers téléviseurs. Nous avons été les premiers à proposer notre application sur des plateformes telles que Samsung, LG, Android TV, Apple TV, Amazon Fire TV, etc. Ce que d'autres confrères font actuellement, nous l'avons initié il y a déjà plusieurs années avec notre démarche d'hyper-distribution.

Notre mission de service public vise à toucher l'ensemble des Français, quels que soient leur âge ou leur équipement. Nous aspirons à être présents non seulement au sein des téléviseurs via notre application france.tv, mais également sur les télécommandes.

Bien que les touches 1, 2 et 3 soient encore largement utilisées, leur utilisation diminue. Nous envisageons ainsi, à l'instar des grandes plateformes américaines, d'avoir un bouton France TV sur les nouvelles télécommandes de téléviseurs connectés.

Et si nous avons été précurseurs en matière d’hyper-distribution, nous le sommes aussi en ce qui concerne l’évolution des usages. Nous avons été les premiers à casser les codes de la chronologie des médias traditionnels. Alors que la diffusion linéaire et le replay étaient les habitudes il y a quelques années, nous avons introduit le concept de "preview". Ainsi, dès 6 heures du matin, voire parfois plusieurs jours avant la diffusion officielle, certaines de nos fictions sont disponibles en intégralité. Cela accompagne la mutation des usages, et nous sommes fiers d’avoir initié cette remise en question de la chronologie des médias.

Un autre aspect clé de notre rôle concerne la publicité. Nous avons été les premiers à diffuser des campagnes de télévision segmentées en France sur nos chaînes. Nous avons établi des partenariats, notamment avec les box Orange, témoignant de notre engagement en faveur d'une approche totale de la vidéo, allant de la publicité à la monétisation. Un exemple récent est notre initiative dans la mesure de l'attention, où nous avons été les premiers à adopter une approche globale de la mesure de l'attention, couvrant tous les usages vidéo, que ce soit sur l'écran télévisé en mode linéaire ou sur les plateformes vidéo et sociales. Nous cherchons à être moteur dans cette approche totale de la vidéo, à travers nos contenus, leur distribution, et la monétisation via la télévision segmentée, la mesure de l'attention, etc.

Actuellement, un débat fait rage concernant la monnaie d'échange dans l'achat de l'espace publicitaire, le GRP/CPM. Chez FranceTV Publicité, quelle est votre perspective et comment vous positionnez-vous ?

Le paysage publicitaire est actuellement en pleine mutation, même si les annonceurs accélèrent dans leur utilisation de médias mixtes TV/VOD.

L'achat et la monnaie d'échange entre la télévision et la vidéo restent cloisonnés. D'un côté, le marché digital utilise l'impression au coût pour mille (CPM), avec une grande hétérogénéité des prix et des mesures. De l'autre côté, le marché télévisuel utilise le Gross Rating Point (GRP), avec des notions spécifiques de GRP sur cibles, de spots et de téléspectateurs.

Chez FranceTV Publicité, nous avons déjà fait un premier pas avec la télévision segmentée, adoptant à la fois la monnaie d'échange du digital (CPM) et des technologies propres à ce domaine, ainsi que des indicateurs clés de performance (KPI) propres au numérique.

Les agences et les annonceurs ont également évolué, en adoptant des approches multi-écrans et en brisant les anciens silos. Cependant, malgré cette évolution, les processus d'achat restent cloisonnés.

Il est essentiel d'ajouter des critères qualitatifs aux coûts pour mille pour parvenir à une monnaie d'échange unique dans le paysage vidéo global. Des éléments tels que la taille de l'écran, la visibilité de la publicité et d'autres considérations relatives au media planning doivent être pris en compte. De plus, il est crucial d'harmoniser les normes de mesure pour assurer une évaluation équitable, en évitant que chaque acteur ne se mesure lui-même. En résumé, bien que le chemin vers une monnaie d'échange unique soit vraisemblable, l'intégration de critères qualitatifs et l'alignement sur des standards communs sont nécessaires pour garantir une évaluation équitable dans l'écosystème vidéo.

Quels sont les enjeux du Total Video pour les annonceurs ?

Nous sommes capables d'accompagner les annonceurs dans leur stratégie média en fournissant une réponse intégrée. Plutôt que de traiter la télévision classique et la vidéo de manière isolée, notre approche vise à démontrer la complémentarité des points de contact et comment chaque activation peut renforcer les autres. À titre d'exemple, dans le domaine de la télévision segmentée, nous avons récemment lancé une offre permettant de suivre une campagne télévisée linéaire sur nos chaînes, puis de réexposer uniquement ceux qui n'ont pas été du tout exposés ou l’ont été faiblement. Cela illustre notre engagement en faveur d'une couverture incrémentale pure.

Aujourd'hui, il est essentiel de s'adapter aux évolutions des habitudes vers une consommation totale de vidéos.

Notre objectif est de démontrer la complémentarité et l'efficacité de nos offres commerciales, en fonction des usages spécifiques et des cibles visées. Nous cherchons à illustrer que l'attention varie en fonction de divers facteurs tels que la nature des contenus, le contexte, le contrat de lecture, le type d'écran, et l'utilisation linéaire ou non linéaire. En outre, lors d'événements majeurs tels que Roland Garros et les JO 2024, nous adoptons une approche vidéo totale, offrant des solutions publicitaires accessibles sur l'ensemble des médias et des usages.

Le sport représente un terrain de jeu idéal pour accompagner cette évolution des usages, en brisant les silos entre la télévision classique, le parrainage, le digital et la télévision segmentée. En ce qui concerne les audiences, le sport continue d'attirer un public large et significatif, que ce soit lors de la Coupe du Monde de Rugby, du Tour de France ou de Roland-Garros. Nous observons également une croissance importante des audiences numériques, avec des habitudes de consommation complémentaires à la télévision, que ce soit au travail, en télétravail, en mobilité, ou sur des écrans variés.

Pour illustrer la complémentarité, prenons l'exemple de Roland-Garros, où les audiences live sur le digital ont connu un succès remarquable grâce à la disponibilité de l'intégralité des matchs sur la plateforme. Les spectateurs peuvent choisir de regarder des matchs non diffusés en flux linéaire, bénéficiant ainsi d’une profondeur de contenu supérieure.

De même, lors du Tour de France, les audiences numériques offrent la possibilité de suivre l’événement sous d’autres angles éditoriaux. En somme, notre approche vise à exploiter la complémentarité des différents points de contact, qu'il s'agisse de chaînes linéaires ou numériques, en tenant compte des usages, des moments de consommation et des préférences de chaque public.

Comment s’organise et évolue l’achat selon vous ?

En ce qui concerne les agences, leur organisation a considérablement évolué pour devenir des départements multi-écrans. Cette transition a eu lieu il y a quelques années, mais dans la pratique, elle devient de plus en plus courante. De plus, on observe une convergence des méthodes d'achat. 

L'exemple concret de la télévision segmentée aujourd'hui démontre que l'achat peut se faire aussi bien en gré à gré qu'en programmatique, assurant ainsi une certaine garantie dans le processus d'achat. Il est évident que les modalités d'achat évoluent, avec une digitalisation qui intègre les méthodes transactionnelles autrefois réservées aux inventaires strictement numériques.

Quels défis attendent le secteur de la vidéo dans les années à venir ? Quelles sont les principales difficultés auxquelles les régies publicitaires sont confrontées ?

Il est crucial d'avoir une unité de mesure des normes et des standards partagés par tous les acteurs de l'industrie. Cela est essentiel. Il est inacceptable d'avoir d'un côté des chaînes de télévision mesurées par Médiamétrie, suivant des cahiers des charges stricts, telles que des réglementations concernant la pression publicitaire, et d'un autre côté, des acteurs qui se mesurent eux-mêmes, qui ne divulguent que peu d'informations sur leurs audiences, et qui ne sont pas soumis aux mêmes réglementations, notamment en ce qui concerne la pression publicitaire et l'acceptation des créations publicitaires. Il manque également une instance équivalente à l'ARPP pour certains acteurs. Je suis convaincu que l'on pourra réellement parler de Total Vidéo lorsque des normes homogènes de mesure seront établies, prenant en compte à la fois des critères quantitatifs et qualitatifs pour l'évaluation d'une impression publicitaire. Tout ce que j'ai mentionné précédemment souligne le fait que toutes les impressions publicitaires ne se valent pas.

En ce qui concerne l’entrée en jeu des acteurs internationaux, il est préférable de viser à élever les normes pour tous plutôt qu'à les abaisser. Cela signifie que la gestion devrait être transparente, dans l'intérêt de tous les acteurs. Prenons l'exemple de Roland-Garros, il n'est pas normal que l'on puisse obtenir les audiences de tel ou tel match dès le lendemain à 9 h, tandis que les audiences de la demi-finale sur une plateforme ne sont pas disponibles. L’harmonisation des acteurs internationaux et locaux doit avoir comme fondement la transparence et non l’opacité. 

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