La télévision et la publicité sont en pleine mutation, et ces changements vont bouleverser tout le marché. Face à ces évolutions, annonceurs, régies et agences devront modifier quelques aspects de leur fonctionnement, ainsi que leurs partenaires, comme Realytics. Nous sommes particulièrement intéressés de savoir ce que tout l'écosystème pense de ces changements, aussi avons-nous demandé à quelques uns de nos partenaires leur avis.
Après 10 ans dans la pub, chez DDB, puis 6 ans en tant que vice-président d’Omnicom Media Group (OMD, Phd, Fuse) et directeur général de Phd, Bertrand Beaudichon a co-fondé Mediaplus France en 2015, l’agence française du réseau Mediaplus, dont il était également président jusqu'en novembre 2018. Il est depuis CEO de l'agence Initiative.
Quels seront les principaux challenges pour les régies/ agences/ annonceurs en 2018 ?
Les régies devront avant tout fournir la data dont les acteurs ont besoin. En effet,on a déjà l'habitude du programmatique sur le digital, où la data est extrêmement précise, et il faudra que l'on atteigne ce même degré de précision pour la télévision. La télévision programmatique ne devra pas être uniquement alimentée de données géographiques et socio-démographiques, ce qui est loin de représenter tout ce qu'il est possible de faire en programmatique.
Il ne faut pas que la télévision programmatique soit synonyme de télévision géolocalisable, mais bien de publicité adressée, riche de données variées.
Quels sont les enjeux de la digitalisation de la télévision ?
Il va falloir faire jouer un 2ème rôle à la télévision, en plus de celui de fabuleux vecteur de notoriété et de recrutement ; elle devra également se montrer pertinente et personnalisée.
Force est de constater que l'on revient justement aux "vieux médias", tels que la télévision, la presse ou encore l'affichage, lorsque l'on souhaite offrir au consommateur une expérience variée, où ils ne seront pas exposés sans cesse aux mêmes marques. La sur-segmentation qui fait rage sur le digital propose sans cesse les mêmes annonceurs aux consommateurs, dont ils peuvent avoir tendance à se lasser.
Selon moi, la télévision n'aurait pas intérêt à devenir à proprement parler "programmatique" et faire abstraction de ses principales fonctions. Elle doit endosser un second rôle, qui viendrait en complément de celui de construction de la brand image des annonceurs.
Il faudra être en mesure de faire un lien entre les données digitales et la télévision, nous en sommes convaincus à Mediaplus France, et nous l'appliquons déjà. C'est d'ailleurs pour cela que nous avons choisi Realytics : c'est le seul acteur de son marché à poser un cookie pour suivre les visiteurs web issus de la télévision, mettant ainsi en exergue l'importance de l'attribution/la contribution de la télévision.
La digitalisation de la télévision ne doit pas entraîner une perte de sa réelle identité ; elle doit rester "la télévision", le média le plus puissant, qui s'enrichit des enseignements recueillis sur le digital.
En quoi la TV programmatique va-t-elle influer sur les modes d’achat TV ?
Cela promet d'être tout un challenge ! Il est déjà parfois compliqué de faire de la direct response TV, alors imaginez passer à l'achat programmatique ! Je pense qu'une partie des achats programmatiques se feront par des acheteurs issus du monde digital, qui connaissent déjà la façon dont cela fonctionne.
Un média plan est aujourd'hui divisé en 2 parties: l'une axée branding, l'autre davantage performances, conversions. Avec l'arrivée de la programmatique, les plans médias seront sûrement toujours divisés en 2, avec cette fois-ci 1 partie dédiée à l'achat TV traditionnel avec des acheteurs traditionnels, et la seconde partie axée programmatique, gérée par des acheteurs issus du digital, ou alors formés en conséquence. Cela risque d'être compliqué dans les grandes agences !
Selon vous, les nouvelles réglementations (publicité adressée) peuvent-elles avoir un impact sur la consommation de la télévision ?
Je ne pense pas qu'il y aura un impact sur la consommation de la télévision à proprement parler. Ce n'est pas parce que la publicité change, et devient adressée, que la consommation de la télévision change aussi.
Comment la TV programmatique va-t-elle être perçue par les différents acteurs du marché ? Frileux pas frileux ?
On l’attend tous ! Je pense que tous les acteurs ont ce sentiment qu'il est nécessaire d'avoir un continuum entre le on et le off. Tous ceux qui pourraient apparaître comme "frileux" le seraient car ils ne se sont pas assez organisés !
Pensez-vous que la publicité adressée représente une menace à la protection des données ?
Il y a de plus en plus de données collectées sur les téléspectateurs. Il faudra consciencieusement veiller à ce qu'elle ne tombe pas entre les mains des GAFA (comme c'est malheureusement bien souvent le cas). L'arrivée de la télévision programmatique permettra peut-être de renouveler les fournisseurs de data tierce, qui sont souvent les mêmes, et cela sera sans aucun doute très positif pour le marché !