Entre les plateformes et les chaînes de télévision, les frontières s’estompent. Avec l'essor des TV connectées (CTV), plateformes de streaming et broadcasters se retrouvent de plus en plus perçues de manière similaire par les consommateurs.
Pourtant, derrière cette convergence d’usages, les distinctions légales et éditoriales restent marquées, soulevant de nombreux enjeux pour l'écosystème médiatique français.
Dans le langage courant, les plateformes sont des chaînes de télévision
Au quotidien les plateformes sont considérées par les téléspectateurs comme des chaînes de TV. Jean-Baptiste Moggio, senior brand director de RTL AdAlliance confirme cette « normalisation » des plateformes : « Les consommateurs évoquent indifféremment des plateformes telles que Netflix, 6Play, et des chaînes de télévision linéaire comme TF1 ou M6 lorsqu'on leur demande ce qu'ils regardent à la télévision. »
Justine Ryst, directrice générale de YouTube France, abonde dans ce sens en affirmant que la plateforme devait être considérée comme « la première chaîne de télévision en France », en se basant sur le nombre d'utilisateurs et le temps de visionnage.
Cependant, cette classification de plateformes digitales en tant que chaînes de télévision fait débat.
Légalement les plateformes ne remplissent pas les critères d’une chaîne TV
Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie, a contesté cette assertion de la directrice générale de YouTube France, en soulignant que la plateforme ne répond pas aux critères définissant une chaîne de télévision traditionnelle. Il précise qu'une chaîne de télévision est caractérisée par des responsabilités éditoriales fortes, des obligations légales et des investissements permanents dans les contenus, des éléments qui ne s'appliquent pas aux plateformes digitales comme YouTube, même si elles sont de plus en plus regardées sur des TV connectées et considérées comme des chaînes de TV.
Les obligations des chaînes de télévision françaises
Les chaînes de télévision françaises sont soumises à des obligations légales strictes, notamment en matière de responsabilité éditoriale et de conformité aux réglementations établies par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).
De plus, les broadcasters pour assurer la « brandsafety » de la TV passe par l’Autorité de Régulation Professionnelle de la publicité (ARPP), qui met « met en œuvre le dispositif d’autorégulation volontaire des avis TV/SMAd décidé par l’interprofession pour le marché publicitaire télévisé, » comme l’explique Mohamed Mansouri, directeur délégué de l’ARPP.
Elles doivent également investir continuellement dans la création et l'acquisition de contenus pour répondre aux attentes du public et maintenir leurs performances d'audience.
La plateformisation des chaînes TV et l'appropriation des codes par les plateformes de streaming
Grâce à un taux d’équipement en Connected TV (CTV) et face à l'évolution des usages des téléspectateurs, les chaînes de télévision traditionnelles adoptent de plus en plus des modèles proches de ceux des plateformes digitales. Des initiatives telles que TF1+ et M6+ témoignent de cette transition vers la "plateformisation", avec des services de replay, des offres à la demande et des formats innovants adaptés aux nouveaux modes de consommation. Ces chaînes cherchent à conserver et à étendre leur audience en proposant des contenus flexibles, disponibles sur plusieurs écrans et intégrant une logique d'interactivité.
Parallèlement, des plateformes de streaming comme YouTube, Netflix, Disney+ ou Amazon Prime Video s'approprient progressivement les codes des chaînes de télévision. Elles investissent massivement dans la création de contenus originaux, programment des « événements » pour attirer les spectateurs et développent même des grilles de diffusion linéaire pour certains contenus. Par ailleurs, elles développent des modèles avec publicités. Ce croisement des modèles traditionnels et digitaux reflète une convergence croissante entre les médias, nécessitant de nouvelles approches de régulation et de mesure unifiée pour maintenir une compréhension claire de ce paysage en pleine mutation. « Il n’y a pas de contrat de confiance sans mesure fiable » comme aime le rappeler Stéphane Grenier, Directeur Général d’Amazon Ads France.
Un paysage publicitaire vidéo en pleine évolution
La convergence des modèles entre chaînes et plateformes au sein de la CTV souligne l'importance de redéfinir les cadres d'analyse et de régulation afin de mieux comprendre et accompagner l'évolution de l'écosystème médiatique français.
« La CTV est au centre des stratégies vidéo des marques, avec des qualités sonores et visuelles, qui ont clairement un impact sur les KPIs de marque des annonceurs, » comme le souligne Charlotte Gourmelen, Head of Media Solutions, GOOGLE/YOUTUBE dans la CTV en France.